TR 2004/05 : La pensée aléatoire

TR 2004/05 : La pensée aléatoire

La pensée aléatoire


Tel est son nom, s’il nous faut précisément parler de cette vision des choses qui nous caractérise, de notre « cheval d’orgueil » intellectuel. Avec d’emblée le risque de l’exposer au préjugé qui entoure le mot aléatoire. De là ce souci d’en proposer une définition provisoire, laquelle s’appuie naturellement sur la réflexion précédente : la pensée aléatoire est cette pensée ignorant l’éternité tant sur le plan de la perception que sur celui de l’imagination. Aussi ne la fait-elle jamais intervenir dans ses représentations, dans ses raisonnements, déterminée en définitive à penser toute chose comme originairement temporelle, soumise en d’autres termes aux aléas du temps ; d’où sa dénomination particulière.


Ce premier risque écarté, nous pouvons en affiner plus sereinement la définition en commençant par interroger sa finalité.



Sa raison d’être


Pourquoi la pensée aléatoire ? A cette question, nous proposons volontiers une double réponse dans la mesure où cette pensée ne poursuit pas une finalité simple : elle vise à la fois une finalité psychologique et intellectuelle.
La première n’est d’ailleurs un secret pour personne quand on nous sait philosophes et doués par conséquent, comme nous l’avons esquissé dans le premier chapitre, d’une mémoire affective des plus exigeante. Aussi la pensée aléatoire est déterminée sans conteste par le principe de plaisir. Si nous pensons de la sorte, c’est évidemment parce que cette manière de penser nous permet déjà d’éprouver du plaisir dans notre existence et même davantage : un plaisir dont l’intensité restitue au mieux celle que nous avons atteinte dans ce beau Paradis Blanc qui nous reste follement en mémoire. Nous pensons de manière aléatoire pour faire moisson d’émotions positives dont nous avons manifestement besoin dans notre vie de tous les jours.
Il est par ailleurs un autre but que nous poursuivons en nous décidant ni plus ni moins à mettre en forme notre pensée, à en cerner les contours de telle sorte qu’il nous devient possible de l’identifier, de la nommer et d’une certaine manière, chose paradoxale, de nous en détacher. En effet, à introduire une semblable scission dans le cours subjectif, ininterrompu de notre pensée, à chercher ainsi à en garder mémoire en la relativisant, ce n’est pas faire autre chose, comme nous le verrons dans un prochain chapitre, que projeter sa pensée dans le temps, se décider en définitive à la soumettre logiquement sur le plan intellectuel à ses aléas et en particulier à l’usure de la critique. Car à identifier sa pensée, à en faire communément un objet, c’est donner à d’autres esprits que le sien la possibilité de s’en distancier et éventuellement de la mettre en question, c’est leur donner l’occasion de s’en détacher à leur tour. Sauf qu’il nous faut bien être conséquents avec nous-mêmes et c’eût été un comble si, alors que nous prétendons penser toute chose comme originairement temporelle, nous refusions cependant d’imposer des limites à notre pensée, la soustrayant de ce fait à la temporalité.
Enfin, nous pouvons faire valoir une troisième finalité à la pensée aléatoire qui dépasse certes le cadre de cette réflexion générale et dont nous nous réservons pour cette raison de différer en annexe le développement éventuel. Une finalité qui touche à l’application même de cette pensée à la discipline mathématique avec pour effet, peut-être, de la renouveler d’un point de vue fondamental.
Mais dans l’immédiat, ne nous écartons pas de la priorité fixée et attachons-nous à préciser la définition de cette vision aléatoire des choses en nous intéressant au vecteur de sens qui la traverse, à la logique qu’elle met en oeuvre.

Yves Blanc, 29/05/2005

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